Nous sommes depuis toujours esclaves de l’amour. De quelle façon allez-vous vous libérer ? — Je ne puis être libre qu’en me coupant totalement des plaisirs de la chair, de la richesse et des honneurs. Si je n’écoute pas la voix de la raison, je demeurerai esclave de la passion. — Pourtant, Bento, dit Franco en se levant pour partir, nous savons que

vous trouvez qu'il est fou ? Qu'il doit être interné, parce qu'il ne veut plus avoir rien, rien de commun avec vous, avec vos savants, avec vos polices, avec vos mitraillettes – avec tout ça ? Croyez-moi, il y a beaucoup de gens comme lui, aujourd'hui. Ils n'ont sans doute pas le courage de faire ce qu'il faut, parce qu'ils sont trop veules et trop

enfin. Au printemps 1819 il se lève soudain, un beau jour, du tabouret du notaire, laisse en plan les actes poudreux qu’il a commencé d’écrire. Il en a assez, pour toujours, de cette existence qui ne lui a pas donné une seule journée de liberté et de bonheur. Résolument, il redresse la tête pour la première fois devant ses parents, et déclare, sans

« À trente-cinq ans il est temps de se retirer de la course, démarre Ionesco. Si course il y a. J’en avais par-dessus la tête de mon emploi. Il était déjà tard, je n’avais pas loin de quarante ans. Je serais mort d’ennui et de tristesse si je n’avais pas fait cet héritage inattendu. »