Le Monde d'hier: Souvenirs d'un Européen (French Edition)

Je retourne à mes années universitaires et écoute parler mon professeur de philosophie. Je me souviens qu’il disait de Spinoza qu’il était une figure majeure de l’histoire de la pensée. Qu’il était cet homme seul qui avait été excommunié par les juifs, dont les livres avaient été interdits par les chrétiens, et qui avait changé le monde. Il disait

Cette séance effrayante lui a fait passer l’envie de retrouver ses anciens amis. Comme il a bien fait, quinze ans plus tôt, de leur fausser compagnie ! Comme ils lui en veulent de l’avoir fait ! Pendant qu’il se battait pour sa survie sur le front de l’Ouest, ils sont restés à mariner dans leur inconfortable confort, protégés par la chape de plomb

Ce n’est qu’à l’exil que la postérité doit le grand écrivain, né de l’orateur affairé d’autrefois. Au cours de ces trois années paisibles, Cicéron fait plus pour son œuvre et pour sa gloire future que dans les trente années passées qu’il a gaspillées au profit des affaires publiques (la res publica).

J’ai aujourd’hui quarante ans : mon frère cadet est mort il y a huit ans, mon père dix, et ma mère trente-six. Il est temps, pendant que je puis encore voir et marcher, que je m’empare d’une partie de ma vie et que je la fasse mienne… Est-ce trop exiger ? Je suis fatigué de rendre service, de m’occuper des autres. Oui, Friedrich avait raison. Devra