Peuple (French Edition)

Cessons de prendre le mot comme un signifiant vide, mais explorons au contraire la charge évocatrice qui est la sienne. Peuple est un sujet central de notre imaginaire politique, un ensemble d’images nourri de gestes collectives (Bastilles à prendre, barricades, manifestations, grèves) et de figures individuelles (portraits de cheminots, de mécanos

Sans qu’il s’agisse d’une essence, il y aurait une part constante et reconnaissable à travers les variations historiques. De cette part, sans arriver sans doute à l’identifier précisément, nous avons la nostalgie. La révolution de 1848 s’est rêvée comme rejeu de 1792, 1871 comme aboutissement de 1793, 1968 comme réactivation de la Commune, et nous-

Le peuple manque-t-il ?

La force du mouvement des gilets jaunes – bien indiquée par ce mot même de « mouvement » – a sans cesse été minimisée et discréditée par le gouvernement qu’il mettait en cause et par ses soutiens qui n’ont cessé de dénoncer l’absence d’interlocuteur, c’est-à-dire de parole structurée selon les formes attendues par le pouvoir. « Les gilets jaunes re

Démophiles comme démophobes écoutent, ou feignent d’écouter. Est-ce qu’il parle ? Que dit-il ? C’était le grand débat de 2005 : les émeutiers ont-ils fait des discours ?

Il est significatif que ce qui a été mis en avant pour refuser à ces mouvements tout caractère politique de constitution d’un peuple, ce sont notamment les attaques contre des bâtiments scolaires et les bibliothèques : qui attaque l’école ou le temple du livre, les lieux du verbe, ne peut être politique, ne peut former un peuple. Car peuple est un

Le problème, à ce stade, a déjà changé d’allure. Il ne consiste plus à se demander ce que c’est que le peuple, mais pourquoi nous avons tant besoin du mot « peuple ». Pourquoi avons-nous absolument besoin d’entendre le peuple (ou son représentant) déclarer, crier, écrire sur des banderoles, « nous sommes le peuple » ? Pourquoi la question du peuple

L’inflexion majeure qui consiste à faire du peuple une voix plutôt qu’un agir, cette inflexion ne touche pas que les républicains en France : lorsque Kropotkine, théoricien du communisme libertaire, veut évaluer l’effet de « la grande Révolution » sur le peuple, il cherche du côté du dire et non du faire. « Une nouvelle France était née en ces quat

Mais il est clair que ce n’est pas (ou pas seulement) de ces peuples-là que parle Marine Le Pen en avril 2017. Elle ne parle pas d’un peuple comme concept politique abstrait ou d’un fantasme de pureté. Elle fait au contraire lever des images de travail, de luttes, de courage, de « chaleur vitale », comme disait Michelet justement. Marine Le Pen tou