Lake Success (French Edition)

Le divorce fut brutal. Elle connaissait tous les actifs par cœur. Ses avocats dépecèrent Barry, poussant ceux de Barry dans leurs derniers retranchements. « Il ne faut jamais épouser une avocate si c’est pour finir par divorcer », l’avait averti Joey Goldblatt il y a une éternité, et il avait raison.

Il palpa son téléphone. Non. Arrête. L’objectif de ce voyage était d’affronter le monde et de résoudre seul ses problèmes, comme la femme aux oreilles de lapin, comme l’étudiant de dix-neuf ans en deuxième année de Princeton qu’il avait été. Où était-il passé, ce gamin de dix-neuf ans ? Lui qui était si prompt à l’amour et aux chagrins d’amour, pas

Comme Seema le faisait sourire avant leur mariage, quand elle contestait tout ce qu’il pouvait dire sur la vie, la politique et l’esthétique. Il trouvait ça cool pour une personne de sa stature d’épouser quelqu’un qui était systématiquement en désaccord avec lui. L’opposition loyale. « C’est la femme la plus belle et la plus intelligente que j’aie

Barry haïssait la violence des armes à feu, mais avait l’impression que c’était le prix à payer pour vivre en Amérique. Il y avait une chance – infime mais pas insignifiante, la « règle des trois sigmas », comme diraient les quants au bureau – qu’en vivant dans ce pays, quelqu’un vous abatte, vous ou votre famille. Au Japon il y avait les trembleme

Ne ferait-il pas mieux de repartir de zéro ? Repartir de zéro, voilà ce que le pays semblait rechercher désespérément. Un ennui profond parcourait le corps de Barry et, supposait-il, celui de ses compatriotes, riches et pauvres, alors qu’il suffisait de prendre le car et de tracer la route.

Barry s’adossa à sa chaise et regarda le résultat de son travail. Il avait fabriqué quelque chose de ses propres mains. Il avait remonté un bel objet. Il était responsable de cela. Et il ne l’avait pas fait avec des sentiments ou des idées. Il lui avait donné vie grâce à ses doigts et sa mémoire.

Les gens de ce milieu pouvaient être de vrais cinglés. Un fonds n’était rien d’autre qu’un culte doté de sa propre bible, de sa propre emprise rituelle sur les esprits, et de ses propres épreuves de force. Un de ses collègues qui travaillait pour un autre fonds, geek milliardaire en devenir, jouait du piano dans un rade de troisième ordre en faisan

En route pour son cours, Layla dit à Barry que, selon elle, les étudiants de l’université du Texas à El Paso étaient meilleurs et plus intelligents que leurs camarades de classe de Princeton. Elle avait l’impression qu’ils mèneraient une existence plus épanouissante. « Les jeunes qui intègrent les facs de l’Ivy League sont déjà détruits, dit-elle.

Barry éclata de rire. C’était d’un ridicule, putain. La dernière fois qu’il avait ri remontait à si loin qu’il ne s’en souvenait même pas. Personne n’en avait rien à faire de son Amex noire, de la gueule en sang de Sean, de l’autisme sévère de son fils, de l’effondrement de sa vie de couple, du fiasco Valupro, de ce qu’il adviendrait de la femme au