La Citadelle (French Edition)

Non, il ne pouvait pas, non, non, il ne supporterait pas l’échec, le désaveu, bien entendu qu’elle le repousserait ! Cette trouille de la défaite l’obsédait. En rédigeant sa thèse deux ans plus tôt, il avait réalisé que, bien plus que le non-amour de l’autre, c’est surtout la perspective de l’échec qui terrorisait le héros stendhalien. Ne pas être

Qu’avait-il accepté de lui depuis tout ce temps ? Il aurait pu écrire mille mots sur Andréa, son visage, ses pensées, sa manière de bouger, de parler. Mais sur lui-même ? Le mystère lui paraissait aussi épais que du sang. Il butait contre lui-même : comment faire de son reflet sa propre identité, s’appartenir entièrement, corps et âme ?

Il traîna des pieds jusqu’aux rochers, et s’assit face au bouillon noir. Par désœuvrement, il se mit à réfléchir : « Quelle est ma place ? Je ne suis ni le conjoint, ni l’amant, ni vraiment l’ami, ni le pote d’un pote, ni même celui qui veut séduire ; je ne veux pas la séduire ! Je n’ai pas de place définie. Je ne suis pas. Dans son champ de pensée

Oui. Quelque chose doit frustrer les personnages de Stendhal, parce qu’ils rêvent tous de gloire. Ça devait être l’époque. Mais ils naissent trop tôt ou tard pour la conquérir sur les champs de bataille. Alors, à défaut de participer à une véritable guerre, l’amour devient leur champ d’honneur.

Où qu’il soit, la présence d’un livre avait toujours le don de le rassurer. De la même manière, un lecteur ou une lectrice lui inspirait confiance. Cet acte de foi ne s’appuyait sur rien d’autre qu’une certitude aussi idiote que dangereuse, autrement dit une peur.

Toute sa jeunesse il avait contemplé les tranches des livres alignées comme des touches de piano dans sa bibliothèque, complétée au fil du temps par ses nouvelles lectures. Cette année il avait brusquement réalisé que l’horizon de ces livres côte à côte ressemblait à un cimetière d’immortels, rempli de stèles plus ou moins épaisses sur lesquelles o

Il insista pour régler la note, embrassa Mateo sans un regard, puis marcha lentement jusqu’à son hôtel. Sa décision était prise : « Panem et Circen », du pain et de la poésie. Il écrirait, encore et encore. Il réordonnerait la réalité comme il aurait souhaité l’observer se dérouler. « À force d’écrits enflammés, je parviendrai peut-être à me réchau

Les presque deux années passées près de Flore lui avaient évité d’affronter sa propre présence. Si Émile avait cru s’apaiser, ce n’était en aucun cas parce qu’il avait trouvé les réponses à ses questions, mais plutôt parce qu’il avait cessé de s’interroger. Bien qu’il ait eu conscience du mensonge, il le taisait sciemment. Cela lui épargnait la pei

Depuis son enfance il la supportait, pour ne pas dire la désirait. Il se rappelait un texte de Schopenhauer étudié en prépa : « […] qui n’aime donc pas la solitude n’aime pas la liberté, car on n’est libre qu’en étant seul.