Érasme: Grandeur et décadence d'une idée (French Edition)

Ce qui fera la gloire d'Érasme, vaincu dans le domaine des faits, ce sera d'avoir frayé littérairement la voie à l'idée humanitaire, à cette idée très simple et en même temps éternelle que le devoir suprême de l'humanité est de devenir toujours plus humaine, toujours plus spirituelle, toujours plus compréhensive. Son disciple Montaigne, pour qui « 

Froids et clairvoyants, ils n'ont pas plus à se soucier d'indulgence et de ménagement qu'un joueur d'échecs à l'égard de son adversaire, mais ils ont le devoir de procurer à leur peuple, par tous les moyens, admis ou condamnés, le maximum d'avantages et de suprématie sur les autres. Pour Machiavel, le premier devoir d'un prince et d'un peuple est d

Des générations entières de diplomates ont acquis leur froid talent en lisant le livre d'arithmétique politique du cruel et perspicace Florentin ; les frontières qui séparent les nations ont été vingt fois tracées et retracées par le fer et par le sang. C'est l'esprit de discorde et non celui de concorde qui a fourni chez tous les peuples les énerg

Il a l'impression d'être oublié, proscrit, les catholiques ne s'empressent plus autour de lui et les protestants le dédaignent, personne n'a plus besoin de son appui, de son jugement. « Le nombre de mes ennemis s'accroît, celui de mes amis diminue », gémit le solitaire désespéré, pour qui le commerce des hommes et des choses de l'esprit avait été l

Non, cela n'a plus aucun sens, en ces temps de surexcitation, de vouloir continuer à faire le médiateur et le conciliateur ; il est fini, ce rêve sublime d'un empire européen moralement uni, d'un empire humaniste, et celui qui l'avait rêvé, Érasme lui-même, n'est plus qu'un vieillard fatigué et inutile puisqu'on ne l'écoute pas. Le monde passe à cô

Finalement, les oppositions reprennent leur rigidité, parce que le seul homme qui eût pu remplir avec succès le rôle de médiateur n'est pas présent : l'idée d'accord se trouve ainsi broyée et pulvérisée au cours de nombreuses discussions. Le grand concile d'Augsbourg divise à jamais en deux tronçons le monde chrétien qu'il voulait unir ; au lieu de

Ce qu'Érasme transmettait à la postérité, au milieu du désarroi de la guerre et des dissensions européennes, n'était que l'antique rêve, renouvelé des religions et des mythes, d'une future et inévitable humanisation de l'humanité, du triomphe de la lumineuse et équitable raison sur la vanité égoïste des passions : tracé pratiquement, pour la premiè

« Dois-je, sur le point de mourir, m'acquitter de charges que j'ai refusées toute ma vie. » Non, mourons comme nous avons vécu, libre ! Libre, dans des vêtements laïcs, sans ces dignités ni ces honneurs terrestres, libre comme tous ceux qui sont seuls, seul comme tous ceux qui sont libres.

En vérité, il n'y a plus de place sur terre pour la liberté de l'esprit, pour la tolérance et l'harmonie, ces idées fondamentales de l'humanisme. Les arts ne peuvent plus fleurir à une époque aussi sanguinaire, les espoirs en une communauté internationale ont disparu pour dix ans, pour cent ans, peut-être à jamais ; le latin lui-même se meurt, cett