Des marchés et des dieux : Quand l'économie devient religion (Documents Français)
Stéphane Foucartamazon.com
Des marchés et des dieux : Quand l'économie devient religion (Documents Français)
À tous égards, la piété passait par des transferts de biens matériels à la divinité, mais c’était une piété intéressée dont la contrepartie était une meilleure fortune collective. On donnait pour recevoir plus. Dans notre langage, le sacrifice antique porte un nom : c’est un investissement.
À Rome, seul un clergé investi d’un savoir technique pointu pouvait décrypter le vol des oiseaux, interpréter l’appétit des poulets consacrés à Jupiter, deviser sur l’inclinaison d’un éclair de foudre sur l’horizon, lire dans les entrailles d’animaux sacrifiés, savoir si le craquement d’un meuble, dans un temple, était le signe ténu d’une exigence
... See moreCe mélange de secret, de complexité et de hasard, cela s’appelle du mystère.
Là encore, la religion romaine offre l’un des exemples les mieux connus et étudiés d’une « religion publique » dépourvue des colifichets qui nous semblent indispensables aux institutions ou au sentiment religieux.
Comme les prêtres à Rome, le monde de la finance est un intermédiaire entre les dieux et les humains. Comme les prêtres à Rome, le monde de la finance s’appuie sur un hasard maîtrisé, qui n’est accepté que parce qu’il est nimbé d’un mystère impénétrable,
De manière croissante, des machines informatiques assistent le clergé dans l’administration des sacrifices.
Un esprit chagrin pourrait objecter que cette histoire d’agorathéisme est amusante, mais qu’il n’y a là aucun culte véritable : nulle ferveur religieuse dans la population associée à cette religion, nulle communion des croyants avec le Marché, nulle spiritualité, nulle prière au sens judéo-chrétien du terme, nulle morale, nulle promesse de salut… I
... See moreCe reductio ad mercatum est l’une des manifestations les plus visibles de la foi agorathéiste. En réalité, les humains ne disparaissent pas complètement du tableau : leur contentement est attendu comme une conséquence naturelle et automatique, ou plutôt une propriété émergente, de la satisfaction divine. Si les dieux sont satisfaits, alors la vie d
... See moreDans La Crise de la culture1, Hannah Arendt définit l’autorité comme une forme très spécifique de domination qui induit la soumission sans recourir à la force ou même à la discussion, à la persuasion. Cette forme d’obéissance prend ses racines dans le monde antique, nous dit Hannah Arendt. Elle nous renvoie à la république romaine et aux relations
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