
Courrier sud (French Edition)

Toute cette agitation nocturne prenait un sens. L’agitation des grooms, des chauffeurs de taxis, du maître d’hôtel. Ils faisaient leur métier qui est, en fin de compte, de pousser devant lui ce champagne et cette fille lasse. Bernis regardait la vie par les coulisses où tout est métier. Où il n’y a ni vice, ni vertu, ni émotion trouble, mais un lab
... See moreAntoine de Saint Exupéry • Courrier sud (French Edition)
l’heure du rapide des heures désertes. Le front contre la vitre, il regarde s’écouler la foule. Il est distancé par ce fleuve. Chaque homme forme un projet, se hâte. Des intrigues se nouent qui se dénoueront en dehors de lui. Cette femme passe, fait dix pas à peine et sort du temps.
Antoine de Saint Exupéry • Courrier sud (French Edition)
Déjà s’était dénouée en lui toute sa ferveur. Il se disait : « Tu ne peux rien me donner de ce que je désire. » Et pourtant son isolement était si cruel qu’il eut besoin d’elle.
Antoine de Saint Exupéry • Courrier sud (French Edition)
Les voix reprirent. C’étaient des voix pleines d’amour mais si calmes. On savait la mort installée sous le toit, on l’y accueillait en intime sans en détourner le visage. Il n’y avait rien de déclamatoire : « Comme tout est simple, pensa Bernis, vivre, ranger les bibelots, mourir... »
Antoine de Saint Exupéry • Courrier sud (French Edition)
Nous étions perdus aux confins du monde car nous savions déjà que voyager c’est avant tout changer de chair.
Antoine de Saint Exupéry • Courrier sud (French Edition)
Il sortit. Il se retourna avec le désir aigu d’être surpris, d’être appelé : son cœur aurait fondu de tristesse et de joie. Mais rien. Rien ne le retenait. Il glissait sans résistance entre les arbres. Il sauta la haie : la route était dure. C’était fini, il ne reviendrait plus jamais.
Antoine de Saint Exupéry • Courrier sud (French Edition)
Bernis sourit, pensant aux mille petits travaux, aux mille petits tracas de la maison. On y marchait le long du jour en parant aux mêmes besoins, en rangeant le même désordre. Les drames y étaient de si peu d’importance : il suffisait d’être un voyageur, un étranger pour en sourire...
Antoine de Saint Exupéry • Courrier sud (French Edition)
Bernis, tu m’avouais un jour : « J’ai aimé une vie que je n’ai pas très bien comprise, une vie pas tout à fait fidèle. Je ne sais même pas très bien ce dont j’ai eu besoin : c’était une fringale légère... »
Antoine de Saint Exupéry • Courrier sud (French Edition)
Ô prisonniers, comprenez-moi ! Je vous délivre de votre science, de vos formules, de vos lois, de cet esclavage de l’esprit, de ce déterminisme plus dur que la fatalité. Je suis le défaut dans l’armure. Je suis la lucarne dans la prison. Je suis l’erreur dans le calcul : je suis la vie.