
Berezina (French Edition)

Il avait eu envie d’aventure, de réel. Il préférait négocier avec des businessmen à têtes de brutes plutôt qu’avec des barracudas d’HEC qui n’avaient jamais l’idée de lui proposer une cuite au sauna après la négociation du contrat. Jacques se sentait plus proche d’un pêcheur du lac Lagoda que d’un type lui déroulant un « prévisionnel ».
Sylvain Tesson • Berezina (French Edition)
Il avait persuadé ses hommes que rien ne résisterait à leur marche glorieuse. Il leur avait offert les Pyramides en 1798, la Rhénanie en 1805, les portes de Madrid en 1808, les plaines de Hollande en 1810. Il avait mis à genoux l’Angleterre en 1802, à Amiens et contraint le tsar de toutes les Russies à ronronner gentiment, à Tilsit en 1807. Il avai
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« Ici, c’est un haut lieu, vois-tu. – Qu’est-ce qu’un haut lieu ? lui dis-je. – Un haut lieu, dit-il, c’est un arpent de géographie fécondé par les larmes de l’Histoire, un morceau de territoire sacralisé par une geste, maudit par une tragédie, un terrain qui, par-delà les siècles, continue d’irradier l’écho des souffrances tues ou des gloires pass
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Napoléon méprisait la météorologie. Un jour de 1809, rencontrant Lamarck qui venait de jeter les fondations de cette science, il lui cracha : « Votre météorologie […] qui déshonore vos vieux jours ». Le Roi des Rois, persuadé de son étoile, ne concevait point que les contingences climatiques puissent se mettre en travers de son destin. Ce n’était p
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La raison du voyage que nous accomplissions était précisément de s’enfoncer des visions de cauchemar dans la tête afin de faire taire les jérémiades intérieures et de tordre le cou à cette mégère, cette pulsion répugnante qui est le vrai ennemi de l’homme : l’autoapitoiement. Après notre voyage sur le chemin de la Retraite française, lorsque je me
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Je conserve aujourd’hui le regret de n’avoir pas roulé par les forêts de Maloyaroslavets. Notre impatience (Borodino était un aimant) nous avait privés de reconnaître un endroit où l’Empereur vécut une scène parfaitement stendhalienne. Le 25 au matin, peu avant la bataille, Napoléon voulut s’assurer des positions de l’ennemi. Accompagné de Caulainc
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La guerre tue les hommes, martyrise les bêtes, éloigne les dieux, laboure la terre et engraisse le sol.
Sylvain Tesson • Berezina (French Edition)
Les Anglais ont un mot pour désigner cette science de l’esquive : l’escapisme. Devant l’obstacle, l’escapiste préconise la fuite. À la manière des étoiles filantes, des chevaux sauvages, ou des torrents d’eau claire, l’escapiste ne supporte pas les chocs, les frictions, la laideur des contacts. Même l’argutie, il la juge vulgaire. Il trouve plus va
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Borodino fondait l’entrée de notre époque dans l’âge des Titans. À dater de ce jour, la guerre ne se contenterait plus de prises éparses. Elle exigerait le sacrifice des masses. La différence – et elle était majeure – se situait dans la manière dont tombaient les hommes. Sous Napoléon, le soldat qui mourait au combat recevait le coup fatal d’un aut
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