Le spectateur engage : Entretiens avec Jean-Louis Missika et Dominique Wolton (Littérature) (French Edition)
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Le spectateur engage : Entretiens avec Jean-Louis Missika et Dominique Wolton (Littérature) (French Edition)
Le désespoir et la tristesse sont-ils les sentiments dominants de votre jeunesse ? R. A. — Pendant les années 30, oui. Mais j’étais jeune alors et heureux en tant que personne privée. On peut être heureux avec sa famille, heureux avec ses amis, heureux dans son travail, et en même temps désespéré de la décadence nationale.
Soljenitsyne, lui, dit que cette guerre sans guerre signifiait pour l’Occident une série de défaites ou de désastres. Il considère que la décolonisation est un aspect de la défaite de l’Occident. Le fait qu’un certain nombre des pays décolonisés se sont mis du côté soviétique lui paraît le symptôme, la preuve de la décadence de l’Occident.
Lorsque je suis arrivé en Allemagne, j’ai d’abord été ébloui. Vous savez, la langue allemande est d’une souplesse exceptionnelle pour la philosophie, aussi avons-nous toujours tendance à croire les philosophes allemands plus profonds qu’ils ne le sont. Il y a deux langues pour la philosophie, l’allemand et le grec. Alors, quand on commence à s’imme
... See morej’ai toujours eu le sentiment que la capacité de parler librement, dans deux langues différentes, vous assure une espèce de liberté par rapport à soi-même, qu’aucun autre moyen ne donne. Quand je parle anglais ou allemand, je pense un peu autrement qu’en français. De ce fait, je ne suis pas prisonnier de mes mots. Une des qualités que je m’attribue
... See moreD’abord à propos de la différence entre morale et politique. Aron dit de Sartre qu’il était avant tout un moraliste. D’où sa difficulté à ne pas condamner moralement ceux qui ne prenaient pas des positions semblables aux siennes. Cette opposition dépasse largement les deux hommes et pourrait être étendue à beaucoup d’intellectuels ; elle caractéris
... See moreLes véritables créateurs sont largement prisonniers de leur système de pensée, mais pour le penseur critique, la capacité de se détacher de soi-même, c’est plutôt un avantage.
pour penser politiquement dans une société, il faut d’abord faire un choix fondamental. Ce choix fondamental c’est l’acceptation de la sorte de société dans laquelle nous vivons, ou bien le refus. Ou bien on est révolutionnaire, ou bien on ne l’est pas. Si on est révolutionnaire, si on refuse la société dans laquelle on vit, on choisit la violence
... See moreNovembre 1918, j’avais treize ans. J’habitais Versailles. Mes parents m’ont conduit à Paris. Et j’ai connu la journée unique, inoubliable, de l’unité d’un peuple dans la joie. Ce qu’était le Paris le jour de l’armistice, le lendemain de l’armistice, personne ne peut l’imaginer, il faut l’avoir vu. Les gens s’embrassaient dans la rue. Tous : les bou
... See moreVouloir faire coïncider morale et politique ou penser la politique comme une morale débouche facilement sur la bonne conscience, l’indignation vertueuse, la vision du monde en noir et blanc et le refus d’accepter la politique avec sa violence, ses retournements, ses rapports de forces, bref son amoralisme.