La poursuite de l'idéal (French Edition)

Comme tous les fils de la grande bourgeoisie, Ambroise ignorait concrètement ce qu’il devait à son milieu, n’imaginant pas les efforts auxquels un petit prolétaire devait se soumettre pour obtenir ce que lui possédait depuis la naissance : une façon de parler, de se tenir, d’observer, de comprendre, et tout simplement d’être, si bien qu’il n’envisa

Ce crachat, il l’avait béni tel un signe sacré : on ne s’affranchit pas sans douleur des idéaux de sa classe et de sa race.

en amour, c’est pareil : tu dois être sur tes gardes, ne pas te laisser entraîner par les sentiments, tu dois les dompter, les maîtriser, ne pas en être le jouet ! Oblige-toi à être méchant, entraîne-toi, séduis une fille, puis laisse-la tomber… Cesse d’être un nigaud qui sublime l’autre sexe…

et, forts de leur non-pensée, les malades refusaient d’entendre d’autres voix, qu’ils accusaient, comme on leur avait appris, de tous les maux. La non-pensée, pensa-t-il (car il pensait), non contente de ne pas penser, pense que ses détracteurs sont des salauds ou des imbéciles, et, pleine de cette pensée immune, travaille à en réduire la nocivité.

La réussite révèle, par les railleries ou le silence, le peu d’affection des fragiles amitiés – ce point, notre héros l’ignorait pour la raison qu’à l’exception de quelques succès auprès des femmes il n’avait jamais réussi quoi que ce soit.

Cyrille songea que, dans chaque ville d’Europe ou d’Amérique, ou d’Asie, ou de n’importe où, il existait des jeunes gens encore prêts à croire qu’un roman ou un poème réussis justifient une vie, encore lisant, fiévreux, Balzac et Flaubert, Nietzsche et Pasolini. Et Dickens, et Dostoïevski, et Poe ; et d’autres.

La mémoire d’une société inculte ne va pas au-delà de deux ou trois générations en arrière… D’ailleurs, la nôtre prend ce chemin amnésique… Je m’en suis aperçu en discutant avec des gens qu’on me présentait comme diplômés et qui, pourtant, se détournaient des classiques, “trop chiants et trop poussiéreux”…

je réglais mes abonnements à SFR, Engie, Orange sans qu’on ait à me le rappeler… Et je m’enfonçais dans la déprime… Oh, pas quelque chose de spectaculaire, le simple constat de la vie qui s’en va, qui vous laisse en plan… Alors, j’ai lu les Évangiles, tous les soirs, puis les poètes dont parlait Raphaël, Verlaine, Péguy, Claudel, sans tout comprend

Oh, chacun ses goûts, déconne pas. — Je ne le conteste pas… Les goûts disent quelque chose de ce que nous sommes. Ce sont des révélateurs de notre sensibilité artistique, de notre place dans la société, de notre intelligence.