La discrétion (French Edition)

Yamina peut sentir son cœur déborder de sentiments pour eux, il déborde comme la Méditerranée. Elle a tellement d’amour qu’une centaine de fils et de filles pourraient se le partager. Cette femme a une poitrine débarrassée de toute rancune. C’est presque miraculeux quand on y songe. Ses enfants lui envient son innocence et lui en veulent, aussi, pa

Ils avaient peur de tout perdre, de se compromettre. Ils tenaient à rester qui ils sont. Ils n’ont pas voulu y renoncer. Ils ont refusé d’être effacés, ENCORE UNE FOIS. Comment ne pas craindre l’effacement ? C’est ce que ce pays savait faire de mieux, il avait déjà tenté de les effacer, eux, et maintenant il s’en prenait à leurs gosses.

Si le bonheur avait une odeur, ce serait sans aucun doute celle de l’agneau qui mijote.

« Il faut beaucoup de souplesse spirituelle pour ne pas haïr celui qui vous hait et dont le pied écrase votre nuque, et ne pas apprendre à vos enfants à le haïr exige une sensibilité et une charité encore plus miraculeuses. » James Baldwin, La Prochaine Fois, le feu.

Rendre une assiette vide, pour Yamina, c’est honteux, c’est un manque de savoir-vivre.

Il faut imaginer un cri. Un cri qui fend la nuit noire. Un cri qui se reflète sur la lune, puis se cogne au ciel avant de se briser et de retomber comme des milliers de petites billes de plomb. Le cri se répand partout dans le douar. Il réveille en sursaut les villageois. Leurs âmes vagabondes regagnent leurs corps soudainement. L’enfant est né. C’

Yamina ne comprend pas pourquoi Brahim s’entête à vouloir endurcir Omar. À ses yeux, faire profiter ses enfants d’une vie agréable et facile les récompense de la pénibilité de leur propre vie, sinon à quoi bon avoir traversé tout ça ? Est-ce qu’il faut qu’Omar descende à la mine et se retrouve la figure pleine de charbon pour prouver à son père qu’

Brahim est d’une génération qui ne remarque même pas que les hommes ont le privilège de ne mourir qu’une fois. Les femmes, elles, sont tuées par leur propre monde, et ce, des milliers de fois. Elles ne cessent de ressusciter, matin après matin.

La génération suivante aura sans doute moins de complexes de pauvres, et, comme le dit justement Malika : La première réticence d’un pauvre est de faire travailler un autre pauvre.